lundi 19 octobre 2015

"voyage au bas du monde" (Saint Martin novembre 2014)










Peuplée déjà en -4000 avant J.C par les indiens Tainos puis par le peuple Caraibe, Christophe Colomb la découvre en 1493 le jour de la Saint Martin et la nomme donc en hommage au saint qui avait partagé sa veste...
Ca c'était il y a plus de 500 ans.
Aujourd'hui Saint-Martin c'est l'antichambre de Saint-Barth qu'on connait tous car on a encore la chance d'avoir des riches en France, et des riches qui voyagent pour se retrouver entre eux là-bas et partager les mêmes valeurs de curiosité, d'ouverture, de générosité...non, je rigole!
En fait, de voyage, on ne parle là que du billet d'avion, on ne cherche évidemment pas à se dépayser, pas plus qu'à Deauville ou Saint-tropez... non, voyage dans le sens plus quantifiable de la distance parcourue par un corps d'un point A à un point B, et ce sans émotion ni transformation.
-tu as fais bon voyage?
-Ma foi oui, 6 mois et un jour à Saint-Barth! (temps minimum pour être exempté de l'impôt sur le revenu en France).

Saint-Martin, une prison mais sans l'ombre, une île pelée aux collines ridées et collagenées au béton mais pas n'importe lequel: béton vue sur mer, plus cher! L'horizon ça se paie. Béton armé, à l'américaine...une île de voyous.
Cher oui, mais plus tu paies ici et moins tu paies chez toi, ça s'appelle la défiscalisation et saint-Martin vit de ça et du duty-free. C'est dire le beau monde de peine-à-jouirs: du friqué pas partageur et du touriste qui considère qu'acheter son cancer moins cher puisse en soi être un programme de vacances et faire oublier sa vie passée à bosser avec des cons: on quitte les cons du boulot pour rejoindre les cons des vacances.

La faune ne vaut guère mieux que la flore, d'ailleurs elle a honte, on la cherche encore... ou si, plutôt typique d'un environnement culturellement désertique: faux marcel Versace, casquette Louis Vuitton, lunettes de soleil en serre-tête, vrai tatouage sur biceps enflé (plus d'encre donc plus cher), ça et quelques lapins mutants aux abords de l'aéroport...ah  j'ai aussi vu une mouette qui volait les yeux fermés pour pas voir tout ça, à en regretter de savoir voler. Je pense qu'un jour les lapins par adaptation à leur milieu et selon la théorie de l'évolution auront les pattes avant plus grandes pour se cacher les yeux et courront sur deux pattes ou alors ils vivront avec les taupes.
Pour faire tourner tout ça, des indiens pour tenir les boutiques hors-taxes trop chères, des chinois pour les supérettes et les restaurants, des dominicains pour faire le ménage et le gardiennage, et des saisonniers sous coke et crack pour divertir des beaufs américains, français et hollandais qui viennent jetskier, flyboarder, hors-boarder et tout ce qui a un moteur et fait du bruit, ils font même les châteaux de sable au marteau-piqueur et du cerf-volant avec une télécommande.
Un bon gros n'importe-quoi qui n'a comme point commun que l'appât du fric, une espèce de Dubai des Caraibes, le degré zéro de la culture, on est même dans le négatif, la sous-culture.
Je dis ça et en même temps, je viens de voir dans la gazette locale (trois pages de pub, une demie page d'info) un article concernant les quarante-deuxièmes championnats de culturisme d'Amérique centrale, près de 300 culturistes d'une trentaine de pays sont attendus, ça promet...on attend une explosion du prix de l'huile, des pillules de testostérone de synthèse et des pinces à épiler.

Saint-Martin, c'est un côté francais et un côté hollandais, pas d'histoire esclavagiste, même eux ils ne sont pas restés, il parait qu'ils ont dit "on veut bien bosser gratos, mais pas à saint-martin, hors de question!".
La partie hollandaise, un village duty-free type disney qui borde une fausse plage, on n'aurait pas fait mieux à Miami. Plus de vendeurs que de touristes aujourd'hui si bien que t'as même peur qu'ils commencent à se vendre des trucs entre eux: un indien qui se fait refourguer un collier de faux coquillages et un chapeau de paille made in China par le marchand de souvenirs chinois, du coup, énervé,  il vend un costume trois pièces à la femme de ménage dominicaine du vendeur d'électronique libanais qui se sentant menacé commence à boire du scotch hors-taxe de son propre cousin qui a un magasin au bout de la rue...le repenti du sentier qui fait une opération 18 casquettes pour le prix d'une à sa propre mère ...qu'il aurait été jusqu'à défiscaliser s'il avait pu (sa mère).
Tout ça dans un aboiement qui tire sur la forme la plus primitive du hollandais (4 mots).

Gros rendez-vous sur l'île: aller boire un verre dans un bar en bout de piste, c'est à dire dans les effluves de kérozène, encore une histoire de moteur, pour voir les avions décoller.
comme ça faisait 36h qu'on n'avait pas vu d'avion, j'accompagne les collègues (comme quoi à plus de deux on est vraiment une bande de glands), un peu comme un éboueur irait en terrasse voir ses collègues bosser, ou visiterait un musée du camion-poubelle!
Là-bas un écran géant t'informe des horaires de décollages et atterrissages des avions, tu en viens à te demander si le prix des consos ne dépend pas de la taille de l'avion qui va décoller. Je me sens un peu comme un objet d'étude sociologique...je me retourne, ça va personne ne me regarde.
Ah, "Saint-Martin, plus qu'ailleurs!" nous dit le slogan de l'office du tourisme...tellement plus que ça fait peur.